Non, Jésus n’est pas mort!

Martin Weill n’a pas son pareil pour dénicher les frappadingues. Avec ce numéro consacré aux gourous, il nous sert un menu cinq services! Alors, il y a d’abord les mises en bouche avec un petit festival des leaders de sectes les plus excentriques, les plus bling-bling, les plus psychopathes. Et il y a du choix: entre le pasteur Jim Jones qui, en 1978, a fait boire du cyanure à 900 de ses adeptes et les 6000 mariages célébrés d’un coup par la secte Moon à la barbe du coronavirus en Corée du Sud…

Mais l’objectif du journaliste va plus loin que le sensationnalisme, il veut battre en brèche nos clichés arrêtés à l’image de Raël, cet illuminé qui se prétendait en contact avec les aliens. Car quand on entend gourou, on pense à une escouade de paumés et fêlés du bocal enfermés dans une communauté guidée par un pervers au look pour le moins original.

Ça, c’était le monde d’avant, où il y avait les fous et les sains d’esprit. Aujourd’hui, la frontière est plus poreuse. Les manipulateurs exercent en costume-cravate, galvanisent les foules en showmen, travaillent au corps les frustrations et angoisses du quotidien, donnent des réponses simplistes à la question qui taraude tout un chacun: quel sens donner à son existence. Et c’est là que cette enquête est la plus passionnante: dans les immersions dont Martin Weill a le secret. Il nous balade de surprises en effarements.

Premier arrêt dans un boot camp californien à 10000 dollars les cinq jours de stage de survie. Mission principale que s’est donnée son coach: éradiquer l’épidémie d’hommes mous et leur faire retrouver leur virilité laminée par le mouvement féministe qui a repris du poil de la bête avec MeToo. Comment? En alternant humiliations, épreuves à la Para-Commando et prêches agressifs. Plus inquiétant encore est de constater que l’idéologue de cette mouvance grandissante opère au grand jour dans des conférences de « développement personnel » qui lui rapportent un demi-million de dollars par mois. L’interview musclée de ce Jordan Peterson, prof de psycho à l’université de Toronto, qui appelle à un nouvel ordre patriarcal, est d’ailleurs un des grands moments de ce reportage.

Presque autant que les images filmées à la caméra infrarouge de personnes sous trip à l'ayahuasca, en train de vomir leurs tripes quand elles ne sont pas en transe. Cette plante de la jungle amazonienne au haut potentiel hallucinogène est de plus en plus prisée et génère un tourisme mystique promettant plus d’efficacité que dix ans de thérapie chez un psy.

Revoici le sauveur

Martin Weill sait aussi garder le meilleur pour la fin. Alors, en dessert, il nous a réservé sa rencontre avec celui qui se prétend depuis quarante ans la réincarnation du Christ à Brasilia. Le regard allumé d’Inri Cristo et sa cohorte de disciples en tunique bleu céleste, vous n’allez pas les oublier ni leur vidéo kitschissime de reprise de « Despacito » pour propager le message de ce prétendu sauveur!

« Martin Weill et les nouveaux gourous », 20h35 sur Tipik