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Exclu/ Nadine Pirotton: «Laissez-nous faire notre deuil!»

La sœur de Véronique Pirotton a pris part au docu-fiction consacré à l’affaire Wesphael, « Soupçons, les dessous de l’affaire Wesphael » diffusé dès le 2 décembre sur RTL-TVI et prochainement sur Netflix. Elle a choisi Ciné-Télé-Revue pour son ultime mise au point.

Pourquoi avez-vous accepté de témoigner dans ce documentaire ?

Au départ, je n’avais plus envie de plonger dans toute cette histoire, cela a été tellement douloureux… Mais j’ai appris que Bernard Wesphael y participerait… Et je me suis sentie en confiance avec l’équipe de tournage et les journalistes. Surtout, la grosse déception du verdict du procès a été l’élément déclencheur. C’était l’occasion de faire part de nos frustrations par rapport à ce procès qui a sali ma sœur. J’y ai vu aussi l’opportunité de redorer son image. J’ai visionné le docu-fiction et je n’ai pas regretté une seconde d’y figurer. Le travail est magnifique, je ne suis pas déçue de la façon dont ils ont retranscrit les choses.

Cette diffusion mondiale sur Netflix risque bien de faire revenir vers vous les projecteurs. Vous ne craignez pas d’être à nouveau assaillie par les journalistes ?

J’appréhende qu’on nous remette la pression, bien sûr. C’est pourquoi nous n’acceptons qu’une seule interview, la vôtre. Nous n’accepterons plus d’autres sollicitations des médias ! Depuis sept ans, Bernard Wesphael revient régulièrement dans les médias, et cela ravive à chaque fois notre plaie. Ce témoignage a pour but de clore une fois pour toutes ce chapitre. Il est temps pour nous d’essayer de faire notre deuil. Je ne veux pas non plus que ma sœur devienne une star après son décès mais je veux que les gens comprennent que le doute subsiste malgré la vérité judiciaire !

Victor figure-t-il dans le documentaire ?

Non, il a refusé, il a très mal vécu d’être assailli par les médias et tout ce qu’on a pu dire au sujet de sa maman. Il a même dû changer d’école, parce qu’il ne supportait plus la pression de ses amis, de la presse. Il se barricade contre la médiatisation pour se protéger.

Comment va-t-il aujourd’hui ?

Il arrive doucement à tourner la page, il suit des études artistiques et a retrouvé une belle complicité avec son papa. Il avait 3 ans quand ses parents se sont séparés… Son papa est venu revivre dans la maison de ma sœur, il a repris son rôle de père avec beaucoup de bon sens, et cela se passe relativement bien.

Le procès a mis en lumière la personnalité complexe, fragile, en proie à des addictions de votre sœur. Comment était vraiment Véronique ?

Je répète, ce procès a sali ma sœur, encore bien qu’il y a eu de beaux témoignages. Cela m’a révoltée, par exemple, d’entendre qu’elle avait fait plein de tentatives de suicide. Non, elle en a fait deux, trois et c’était des appels au secours ! Bien sûr, elle était fragile mais on a axé sur les moments difficiles de sa vie ! Cela a toujours été exagéré. Véro a toujours été un peu dans son monde, elle lisait énormément, avait besoin de s’isoler, mais était très indépendante et c’était une maman extraordinaire, à l’écoute de son fils, qui partait chaque année avec lui en voyage pour lui faire découvrir une grande ville, elle voulait que ce soit un gamin plein de culture. Elle ne voulait pas mourir, elle n’aurait jamais quitté son fils ! C’est pourquoi je n’ai jamais cru une seule seconde à la thèse du suicide !

Comment était votre relation de sœurs ?

On a vécu des moments magnifiques ! Véro était quelqu’un de magique, de drôle. Je me sentais parfois inférieure à elle par rapport à toutes ses connaissances, elle était l’intellectuelle de la famille et elle, elle appréciait ma spontanéité, mon naturel, mon authenticité. C’était gai d’être sa sœur, je me souviens de sorties mémorables ensemble, on s’amusait beaucoup, on dépassait parfois les limites ensemble, elle était un peu en dents de scie.

Qu’est-ce qui l’a menée à ce drame selon vous ?

Elle a toujours fait des mauvais choix par rapport à ses amoureux… Ma sœur a toujours eu une envie d’avoir à ses côtés un homme dont elle était fier, dont elle soit fan, qui ait une certaine prestance. Et puis elle déchantait vite.

A posteriori, vous avez trouvé une explication à son instabilité sentimentale ?

Il y avait chez Véro une grosse blessure d’enfance due à l’absence de notre père. Quand mes parents se sont mis ensemble, ma maman faisait toujours des études d’instit et mon papa avait repris l’université. Financièrement, cela n’était pas facile, donc mes grands-parents se sont proposés de s’occuper de ma sœur. Et nous nous voyions les week-ends et durant les mois d’été. Quand nos parents se sont séparés, elle avait 5 ans et moi 6. Maman a repris un appart à Liège avec nous. Mon père, dont ma mère avait peur parce qu’il était violent, demandait ma garde ou rien du tout… Nous ne l’avons donc plus vu jusqu’à nos 13, 14 ans. Il nous a alors recontactées, mais c’était un monsieur bohème qui ne convenait pas à ma sœur et dont elle avait peur. Elle lui en voulait de ne pas s’être manifesté. Et elle en a voulu à notre maman de ne pas avoir tout fait pour la récupérer petite. Depuis la petite enfance, il y a toujours eu une souffrance en elle qu’elle devait dépasser et qu’elle avait du mal à canaliser à d’autres.

On a appris aussi avec le grand déballage de cette affaire qu’elle avait été abusée adolescente.

Alors, ça, elle ne m’en a jamais parlé, jusqu’à ce que notre maman reçoive un courrier du tribunal qui la convoquait pour témoigner par rapport à une plainte déposée par ma sœur. Nous sommes tombées des nues ! Nous étions pourtant très proches. Je savais qu’elle mettait son prof de français sur un piédestal. Lui lui disait qu’elle avait une belle plume, que ses dissert étaient géniales, elle a fait du théâtre avec lui, elle a gardé ses filles. Je n’ai jamais pensé qu’il avait eu avec elle des attouchements ! Elle s’est décidée à porter plainte parce qu’elle s’est rendu compte, adulte, que ce prof adoptait le même comportement ambigu avec certaines de ses élèves. Cette histoire l’avait détruite. On a découvert que cet homme lui avait écrit des lettres dans lesquelles il lui disait : « Tu ne seras jamais qu’une petite p*** pour les hommes, tu n’arriveras jamais à construire une vie de famille. » Et elle est tombée sur le même type d’homme à chaque fois ! Oswald lui a dit aussi ce genre de choses ! Oswald est aussi un manipulateur. Mais ce qui était moche, c’est que je sentais ma sœur qui avait envie d’une stabilité.

Qu’avez-vous pensé de Bernard Wesphael quand elle vous l’a présenté ?

Cela a été assez catastrophique ! Déjà, il pensait que tout Liège le connaissait, moi je ne savais pas qui c’était. La première fois qu’il est venu à la maison, il est arrivé avec ses lunettes noires et les a gardées tout le temps. Je ne l’ai pas trouvé agréable du tout, je me suis dit qu’il jouait un rôle, qu’il manquait de simplicité, c’était déjà parti en dispute entre eux ce soir-là.

Vous avez partagé votre opinion à votre sœur ?

Quand elle s’est mariée, je la voyais tellement heureuse que je n’ai pas voulu gâcher son rêve mais je lui ai dit que je trouvais ça bien rapide. Elle est venue me trouver un jour en pleurs me disant qu’elle sentait bien qu’elle s’était trompée mais qu’elle n’osait pas le dire.

C’est-à-dire ?

Elle imaginait que la vie serait plus jolie, mais elle a découvert progressivement qu’il lui avait menti. Du genre, quand il a vendu sa maison, tout l’argent de cette vente a servi à payer ses dettes à lui. Ou encore alors qu’elle s’était démenée pour constituer un dossier pour qu’il récupère la garde de son fils, il n’a pas déposé cette requête au tribunal. Elle se rendait compte qu’elle était tombée sur un gars qui n’allait pas au bout des choses, qui faisait les choses à moitié, qui n’allait plus boulotter, bref, sur quelqu’un de foireux. Et quand elle avait bu un verre, elle savait lui dire ses quatre vérités avec virulence. J’ai assisté à une scène de ce genre, où Véro lui disait qu’il n’avait pas fait d’études, et cela le mettait hors de lui. Wesphael était humilié par la supériorité intellectuelle de ma sœur.

Vous qualifieriez cette relation de toxique ?

Je suis sûre qu’ils ont été amoureux, que les premiers moments ont été magiques mais lui n’était plus gentil avec elle, ils ont commencé à boire plus, donc il y a eu plus de disputes. Elle sentait que Wespheel manipulait un peu Victor contre elle, elle lui en voulait pour ça. On aurait dit qu’il était heureux qu’elle décline et moi en tant que sœur, je l’ai encouragée à faire vite les démarches du divorce.

Elle avait peur de lui ? Etait-ce un homme violent ?

Elle m’a dit que quand il buvait, il pouvait y avoir plus d’agressivité entre eux. Avant qu’elle parte pour Ostende, il l’a plaquée sur le lit en lui disant : « On ne quitte pas Bernard Wesphael. » Cette phrase résonne encore aujourd’hui en moi et explique tout à mon avis. En plus, après sa mort, des personnes sont venues spontanément à nous pour nous raconter que Wesphael était un impulsif qui s’énervait vite, qui en réunion avec Ecolo pouvait partir en claquant la porte quand il n’était pas d’accord. Un journaliste est venu nous dire qu’il l’avait vu un jour empoigner sa première femme devant tout le monde. Il a consigné cela dans une pièce du dossier mais son témoignage n’a pas été lu au procès. Tous les témoignages qui allaient contre Wesphael n’ont pas été retenus ! Pour nous, c’était injuste !

Bernard Wesphael a été acquitté au bénéfice du doute, c’est la vérité judiciaire, ce n’est donc toujours pas la vôtre ?

Non ! Ma conviction, elle a été faite à l’instant où j’ai vu le visage de ma sœur à la morgue. Il était tuméfié ! Elle avait des marques au niveau du nez, des écorchures au niveau du visage. J’ai tout de suite exclu l’hypothèse du suicide. En plus, Wesphael s’est emmêlé dans ses explications, il y a toujours eu plein d’incohérences dans ses témoignages ! Pour moi, c’était une évidence : c’était une dispute qui avait mal tourné.

Pourquoi votre thèse n’a-t-elle pas été retenue ?

D’abord, dans ce procès, on a vraiment eu l’impression que c’était celui de Véro ! On a brossé le portrait de Wesphael comme un gentil monsieur et de ma sœur, on ne retenait que les moments de sa vie où c’était plus compliqué pour elle. Mais ce n’était pas cela qui était important enfin ! Elle avait 35 coups sur le corps, il y avait des traces de maquillage sur les plinthes. De cela, Wesphael n’a pas eu à se justifier !

Il y a donc eu des erreurs dans ce procès, selon vous. ? Lesquelles ?

J’ai toujours eu l’impression d’une justice à deux vitesses ! Je regrette que notre avocat n’ait pas posé plus de questions aux jurés, il s’est contenté d’une : « Bernard Wesphael est-il coupable d’avoir donné la mort avec l’intention de la donner ? » Lui Wesphael a bénéficié du meilleur des avocats, nous on ignorait le fonctionnement d’un procès, nous n’avons pas été aussi bien aiguillés que lui. Et puis il y a eu des choses troublantes.

Troublantes ? Lesquelles ?

Le médecin légiste avait témoigné en se disant certain qu’une personne ne peut mourir ni d’un suicide ni d’une combinaison alcool-médicaments étant donné les coups, la position du corps avec une main derrière le dos. Puis, il a tenu un discours complètement différent ! Là, dans notre esprit est né le doute qu’on avait été le trouver. Je pense que la partie adverse a fait pression sur plusieurs intervenants. L’avocat général n’a pas voulu voir notre avocat, par exemple, il y a eu des incohérences dans les témoignages et cela a contribué à semer le doute dans la tête des jurés. Après, on a appris que Wesphael était franc-maçon. Est-ce qu’il n’y a pas eu de cette corporation un réseau de protection ? Cette pensée me traverse encore l’esprit.

Vous n’avez jamais cherché à vous expliquer avec lui ?

Au début, je voulais aller le voir en prison, je voulais entendre sa version, mais tout le monde m’en a dissuadée. Lui m’a écrit des lettres depuis la prison, je sais même pas comment il a pu faire sortir ça !

Qu’est-ce qu’il vous disait ?

Qu’il était triste de ne pas avoir vu plus tôt que Véro était en souffrance, qu’il aurait dû réagir avant, il retournait tout le problème ! Je ne lui ai pas répondu, parce que j’ai cru qu’il allait craquer au procès ! Et là, j’ai été choquée de l’entendre parler au tribunal de ma sœur en disant Mme Pirotton alors que jusque-là, il l’appelait « mon épouse ». Et cette opinion a été confortée quand dans la série, j’ai constaté qu’il avait entamé une relation avec une femme qui venait voir son frère dans la même prison que lui. C’est dire sa capacité à rebondir et à tourner la page malgré un drame qui venait de se produire.

Qu’est-ce qui s’est passé selon vous dans cette fameuse chambre d’hôtel ?

Il croyait la récupérer, elle a peut-être résisté. Il y a eu surenchère par rapport au coup de fil d’Oswald, son orgueil d’homme en a pris un coup, alors qu’il savait qu’elle avait repris une relation avec lui, et il a pété un câble à mon sens. Je crois qu’il a été dans un déni dès le départ, que son cerveau a refusé de reconnaître qu’il était capable de faire ça. Et il avait surtout promis à sa fille qu’il n’avait rien fait ! Et Wesphael a eu une vénération pour sa fille !

Le verdict a dû être une douche froide pour vous…

Au cours de ce procès, j’ai eu le sentiment constant d’assister à une pièce de théâtre, où les ténors du barreau rivalisaient en permanence et que ma sœur allait réapparaître pour tirer le rideau. C’était surréaliste. Mais pas un instant, je ne me suis préparée psychologiquement à ce qu’il ne soit pas condamné, j’y ai cru jusqu’au bout. Mais quand j’ai vu Wesphael entrer au tribunal ce jour-là, j’ai vu sur son visage qu’il savait qu’il était acquitté ! Je vous le jure ! En plus, il n’était pas capable de le cacher ! Il a fait un clin d’oeil à l’avocat général, soi-disant que c’est un de ses tics ! J’ai vécu ça comme si on tuait ma sœur une deuxième fois ! Une horreur !

S’il avait été condamné, vous seriez plus en paix ?

Cela ne changerait rien au fait que cela ne me rendra pas ma sœur, que je ne pourrai jamais plus rien partager avec elle.

Si vous le croisiez, que lui diriez-vous ?

Mais est-ce que tu t’imagines que t’as pu détruire une famille ! T’as enlevé la vie à une femme magnifique qui aurait pu vivre d’autres choses sans toi ! Et toi, tu te reconstruis !

« Soupçons, les dessous de l’affaire Wesphael »- Le mercredi à partir du 2 décembre, 20h05 sur RTL-TVI (3 soirées en prime-time / 6 épisodes de 40 minutes)

Une interview à retrouver dans votre Ciné-Télé-Revue, sorti ce jeudi 19 novembre.

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